"Vous imaginez à quel point on peut être désespéré quand on se rend à une manifestation alors qu’on sait qu’on peut y être tué ?"
J’ai participé à des actions des LGBT depuis 2010 à Saint-Pétersbourg ou Moscou, mais je ne m’étais jamais fait attaqué comme ça a été le cas à Voronej. Quand des centaines de personnes descendent dans les rues avec des slogans nationalistes et orthodoxes, dans la foule, elles se comportent comme des animaux.Je me souviens pas des gens qui m’ont frappé. Je venais à peine d’arriver, je les avais vus se saluer avec des saluts nazis. J’ai sorti ma pancarte "Stop à la haine" et j’ai été immédiatement attaqué et mis à terre. Puis, quelqu’un a commencé à me donner des coups dans la tête et le cou, avant de s’enfuir. On m’a alors conduit dans une voiture de police qui m’a éloigné de la manifestation. Je n’ai vu les autres se faire tabasser que sur les vidéos. Personne n’a été gravement blessé, mais trois d’entre nous avaient des contusions et des plaies ouvertes."La police ne nous protègera jamais"Après la manifestation, j’ai reçu des centaines de menaces via les réseaux sociaux : "Crève, sale pute. Si tu recommences, je te brûlerai vivant”, “tu ne trouveras pas de lieu sûr pour toi sur le sol russe”, “ tire-toi d’ici sale tapette, si je te vois je te casse les dents", et j’en passe. Ma photo et mon contact tournent abondamment sur Internet. Du coup, je ne sors plus de chez moi seul, j’appelle toujours un taxi. Je suis désespéré. Vous imaginez à quel point on peut être désespéré quand on se rend à une manifestation alors qu’on sait qu’on peut y être tué ?La police ne nous protègera jamais, je ne me fais aucune illusion. Celle de Voronej a fait un rapport selon lequel il n’y a eu aucune violence durant la manifestation… Et elle a reçu des lettres de remerciement de nos agresseurs pour leur inaction pendant les violences !Mais je continuerai mon combat. Avec l’aide d’activistes des droits de l’Homme, nous avons déposé une plainte auprès du ministère de l’Intérieur et de la ville de Voronej. J’ai par ailleurs été contacté par l’ONG Front Line Defenders, qui prépare des appels au gouvernement russe, au Conseil de l’Europe et à l’ONU.