"Les photos ne mentent pas, c’est pourquoi elles n’ont pas la cote auprès des hommes politiques"
L’exposition s’est tenue pendant un jour et demi à Naivasha. Tout se passait bien jusqu’à ce que la police arrive et nous oblige à retirer les photos. Nous avions obtenu l’autorisation d’exposer et nous avions aussi loué une parcelle de terrain pour cela, alors nous étions très étonnés de cette décision. Ils ne nous ont donné aucune explication, mais nous avons appris plus tard dans la presse que la police avait répondu aux ordres de John Mututho, un député de Naivasha, qui avait déclaré que l’exposition était à l’origine de 'tensions inutiles'.Nous avons organisé cette exposition dans une dizaine de villes, où les visiteurs m'ont paru à chaque fois satisfaits. En regardant les photos, qui parfois ont été prises à l'endroit même où ils vivent, certains se sont mis à pleurer ou en colère. Mais ils ne s’énervaient pas contre le principe de l'exposition.L’enjeu est en fait politique : c’est la troisième fois que notre exposition est annulée et c’est toujours, selon moi, parce que des hommes politiques craignent qu’elle ne ravive les blessures passées et que cela leur coûte des voix à la prochaine élection [en mars 2013, les Kényans sont appelés aux urnes pour élire un président ainsi que de nouveaux députés, sénateurs et gouverneurs, ndlr]. Ces photos ne mentent pas, c’est pourquoi elles n’ont pas la cote auprès des hommes politiques.Comme nous n’avons ni le temps ni les moyens de saisir la justice pour protester contre ces interdictions, nous préférons continuer d’exposer dans d’autres endroits et ainsi informer d’autres gens.
Notre objectif est de créer un dialogue. Il ne s'agit pas de dire aux visiteurs pour qui voter mais nous leur conseillons d’utiliser leur voix de manière intelligente pour ne pas élire de nouveaux fauteurs de troubles.Les Kényans vivent toujours dans le déni. Les milliers de personnes qui ont brûlé des maisons, pillé et violé n’ont pas été poursuivies par la justice. Il y a donc beaucoup de colère et de frustration chez les victimes. Nous n’avons pas seulement besoin de justice, mais aussi de réconciliation pour que cette colère refoulée ne se transforme pas, un jour, en de nouvelles violences.