"Tous disaient ne soutenir aucun candidat. Ils étaient là pour dénoncer les résultats"
À la minute où j’ai appris les résultats, j'ai pris la direction de la place Tahrir. Au départ, il n’y avait que quelques centaines de personnes mais, à la tombée de la nuit, nous étions des milliers. J’ai eu l’impression de retrouver les premiers jours de la révolution. Il y avait beaucoup de jeunes. Tous disaient ne soutenir aucun candidat. Ils étaient là pour dénoncer les résultats car il semblerait - cela reste à vérifier - que des milliers de soldats soient allés voter alors que la loi le leur interdit. Si l’enquête confirme que c’est le cas, il faudra réexaminer les résultats [ la commission électorale a récusé lundi les accusations de fraudes, NDLR]."Quelques instants après l’attaque du QG de Chafik, un groupe de voyous a débarqué place Tahrir pour se venger"Pendant la soirée, nous avons appris que les bureaux de Chafik avaient été attaqués. Quelques instants après, un groupe de 'baltagias' [voyous soupçonnés d’être à la solde du pouvoir, NDLR] a débarqué place Tahrir pour nous attaquer. Apparemment, c’était en réaction à l’attaque du siège de Chafik. La foule a été prise de panique et les gens se sont mis à courir. J’ai appris que certains ont été blessés. Les voyous sont ensuite repartis mais nous sommes restés pour scander nos slogans jusque tard dans la nuit.La plupart des participants étaient simplement en colère qu’Ahmed Chafik ait eu ne serait-ce que le droit de se présenter à cette élection. Finalement, il a pu contourner la loi qui interdit aux personnes ayant servi le régime de Moubarak d’occuper un poste public. On ne veut pas d’un retour en arrière et c’est ce que serait l’élection de Chafik.“Voir l’un ou l’autre à la tête du pays, ce serait une claque après tout ce que nous avons traversé"Je pense qu’il a convaincu une partie de la population en promettant la stabilité et la sécurité. L’année que nous avons eue a été difficile. De violents affrontements ont éclaté quasiment tous les mois, donc je comprends le besoin d’un retour au calme. Mais un retour à l’ancien régime n’est pas la solution pour une paix durable. Le problème de cette élection, c’est qu’elle ne proposait aucun candidat fort à la fois laïc et civil. Les candidats qui auraient pu plaire à ceux qui ont fait la révolution auraient dû s’allier plutôt que de contribuer à disperser nos voix.Les manifestants scandaient des slogans contre Chafik mais aussi contre son rival Mohamed Morsi, des Frères musulmans. Nous chantions : 'On ne fait confiance ni aux militaires ni aux Frères'. On ne peut pas imaginer - on refuse même d’imaginer - l’un ou l’autre à la tête du pays. Ce serait une claque après tout ce que nous avons traversé. Mais le changement demande du temps et ce rassemblement nous rappelle que la révolution est toujours en marche.